Perle des Flandres, Bruges est l’une des cités médiévales les mieux préservées d’Europe du Nord. Au XVe siècle, elle était l’égale de Venise et l’une de ces places commerciales cosmopolites où s’inventait la première mondialisation. Avant que son port ne s’ensable, préservant ainsi un patrimoine exceptionnel.

Il suffit parfois d’un grain de sable, mais, en l’occurrence, on peut en compter quelques milliards, qui ont permis à Bruges de conserver son extraordinaire patrimoine architectural. Au début du XVIe siècle, le Zwin, le bras de mer qui la relie à la Mer du Nord s’ensable. En 1520, quelques navires vénitiens parviennent jusqu’à Damme, le port naturel de Bruges. Ils figurent parmi les derniers, comme un hommage italien à la cité flamande qui fut longtemps considérée comme l’équivalente de la Sérénissime au nord de l’Europe. Dès lors, les marchands se détournent vers Anvers et Amsterdam, tandis que l’Angleterre se met à produire en abondance des toiles et des lainages qui concurrencent ceux des Flandres. Bruges se fossilise pendant plusieurs siècles.

La puissance des cités flamandes

L’histoire de Bruges comme celle des anciennes cités flamandes est pourtant celle de toute l’Europe. Son opulence passée nous éclaire sur la montée en puissance des bourgeoisies urbaines et marchandes au Moyen Âge, dont le pouvoir ne cesse alors de croître face à l’aristocratie. Dès les XIe et XIIe siècles, les riches marchands flamands s’organisent en guildes afin de gérer leurs villes en expansion, de favoriser le commerce et de développer les structures d’entraide. C’est à cette époque qu’émerge un pouvoir communal à l’origine de nos démocraties européennes. En 1302, les Brugeois et les Flamands s’émancipent du roi de France. Quelques décennies plus tard, ils sont intégrés à l’ensemble bourguignon, un agglomérat d’Etats allant de la mer du Nord et à l’Italie et qui connait une extraordinaire prospérité.

Au XVe siècle, Bruges est considéré comme l’un des ports les plus riches du monde. On y recense plusieurs dizaines de nationalités et on y échange les draps des Flandres contre les épices d’Orient, l’ambre de la Baltique, les vins d’Espagne ou d’Aquitaine, l’huile de Chypre ou les métaux de Grande-Bretagne. L’actuel Markt témoigne de cette exceptionnelle activité commerciale. C’est sur cette vaste place que se tenaient les marchés médiévaux, à l’ombre du Beffroi. Dans le « plat pays », ces hautes tours avaient à l’origine une fonction militaire avant de symboliser les libertés communales des différentes cités jalouses de leur indépendance.

La première bourse

Dans une taverne de Bruges, tenue par un certain Van de Beurse, on organise la conversion des monnaies venant du monde entier. Ce premier marché des changes et le patronyme du tavernier donneront son nom… à la bourse. A la fin du XVe siècle, un artisan d’origine bretonne, Jean Brito, met au point l’une des premières presses à imprimer européennes, à la même période que Gutenberg. La prospérité de la cité attire de nombreux artistes, comme Van Eyck. Avec d’autres primitifs flamands, il révolutionne la peinture.

Cette extraordinaire prospérité s’interrompt brutalement dans les premières décennies du XVIe siècle avec l’ensablement du port.  La cité semble s’endormir jusqu’au XIXe siècle lorsque les touristes britanniques, en route vers Waterloo, en redécouvrent les richesses. Dès lors, Bruges devient l’une des grandes destinations touristiques européennes, tout en préservant son cachet, avec ses bâtiments de brique, ses canaux et ses légendaires cygnes devenus l’un des symboles de la ville.

Erwan Chartier
Thèmes associés : #De retour de

Partagez cet article :

0 commentaires