A la fin du XVIIIe siècle, Paris se dote de passages, dont l’âge d’or culmine au siècle suivant. Ces espaces commerciaux, à l’architecture élégante et aux petites boutiques originales, conservent un charme fou. Flâner dans ses passages constitue une expérience unique pour redécouvrir la capitale française.

Héritiers des marchés médiévaux et des souks orientaux, ancêtres des Grands Magasins, les passages constituent aujourd’hui un patrimoine à redécouvrir. Construits en grande partie dans la première moitié du XIXe siècle, ils conservent le charme de cette période dite romantique, lorsque l’Europe connaissait une relative période de paix après les tourmentes révolutionnaires et napoléoniennes et que le Continent entrait de plein pied dans la Révolution industrielle. La capitale française connaît alors une période de développement démographique important et pousse en dehors des anciennes murailles médiévales.

Le charme romantique du XIXe siècle

Si le principe des passages, voire des galeries marchandes, est fort ancien, les prototypes de cette architecture remontent à la fin de l’Ancien Régime, comme les galeries en bois du Palais royal, créés en 1786 dans ce vaste ensemble appartenant à la famille d’Orléans. D’autres passages sont édifiés sous la Révolution et l’Empire, mais leur âge d’or se situe sous la Restauration, puis la Monarchie de Juillet, lorsqu’on en construit une trentaine à Paris. Pour de nombreux financiers, ils apparaissent comme le moyen idéal de rentabiliser des investissements immobiliers.

Un grand nombre de ses passages est situé sur la rive droite, au nord de la Seine, près des grands boulevards, où ils attirent une clientèle aisée. Grâce à des verrières, il s’agit de préserver cette dernière des intempéries, mais également du brouhaha des grandes artères. L’éclairage, dit zénithal, permet d’éclairer ces petits espaces qui sont autant de lieux de rencontres, parfois galantes. Aujourd’hui comme hier, on y trouve une grande variété de commerces, notamment des espaces de discussions comme les cafés ou les « bistrots ». Ce dernier terme renvoie en effet aux troupes d’occupation russes en France, après la défaite napoléonienne, dont les militaires employaient facilement le terme « bistro », signifiant « vite » pour se faire servir à boire.

Sources d’inspiration

Sous le second Empire, les élégants passages parisiens servent de sources d’inspiration à de nombreux architectes, en France ou à l’étranger. Dès 1829, Niort se dote de son Passage du Commerce. En 1840, on perce le fameux Passage Pommeraye à Nantes. Plusieurs passages sont également construits à Bruxelles, la capitale du nouveau royaume des Belges. Cependant, sous le Second Empire, ces galeries marchandes sont concurrencées par un nouveau modèle, les Grands Magasins, comme la Samaritaine, les Galeries Lafayette et, surtout, le Bon Marché. Les passages apparaissent désormais comme vétustes et étroits face aux nouveaux temples de la consommation.

Mais les passages ne disparaissent pas et, dès le XXe siècle, plusieurs écrivains comme André Breton ou Paul Morand, redécouvrent leurs charmes. Aujourd’hui, on en redécouvre même les mérites, comme la construction du passage de la Visitation, à Rennes, dans les années 2000.

Une expérience

Comme il y a un siècle et demi, pénétrer dans un passage parisien demeure une expérience. En quelques secondes, on se coupe de la cohue et du bruit de la ville, pour entrer dans un espace calme, avec ses échoppes proposant des produits originaux et uniques. Des passionnés proposent également des visites guidées pour en découvrir les beautés architecturales.

Les passages sont également des lieux culturels, avec leurs musées, leurs librairies et leurs théâtres. L’une des plus belles expériences offertes au voyageur réside cependant dans la possibilité d’y dormir, en l’occurrence dans l’hôtel Chopin, au centre du passage Jouffroy. Selon la légende, et malgré l’histoire tourmentée de Paris, l’endroit n’a jamais fermé depuis son ouverture, il y a presque 170 ans. Pratiquant des prix très raisonnables, y passer une nuit constitue une singulière plongée, au calme, dans l’ancien Paris du XIXe siècle.

 

Erwan Chartier
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