Au départ de Marrakech, on nous avait glissé malicieux : « si vous avez de la chance, vous verrez des chèvres dans les arbres avant Essaouira.» Nous avions déjà eu vent de l'habitude des chèvres de monter de temps en temps dans les arganiers pour se régaler des feuilles et fruits. Selon la tradition, elles se contenteraient de la pulpe des fruits pour recracher ou ressortir dans leurs crottes les précieuses amandes alors récupérées et nettoyées pour produire la fameuse huile d'argan aux vertus louées depuis des siècles dans la cosmétique et l'alimentaire. Restait donc à avoir la chance d'en apercevoir une ou deux au long de la route rectiligne de 200 km menant à Essaouira. Juste avant l'ancienne Mogador, le chauffeur du taxi a pointé un doigt vers l'horizon : elles étaient là ! Pas une ni deux, mais huit dans un premier arbre, puis douze dans un second 300 mètres plus loin. Sur la bande d'arrêt d'urgence de la voie express, une demi douzaine de véhicules sont déjà stationnés et les occupants sortis braquent leurs appareils photo pour cette scène inouïe. Nous faisons de même, tout en s'interrogeant un rien sur ces regroupements de biquettes sur ces seuls deux arbres quand plein d'autres aux alentours semblent aussi accueillants. Le plaisir de saisir le moment dans l'objectif est réel... jusqu'à ce qu'une main frappe sur l'épaule. C'est un grand gaillard du cru ânonnant, paume vite tendue, un vocable aussi local : dirham. Assan, notre chauffeur, est hilare : « il veut des sous pour la photo. Et précisement 10 dirhams (1€) ! Les chèvres aiment bien monter dans les arganiers mais ces bergers ont eu l'idée d'apprendre à leur troupeau à le faire, toutes les bêtes ensemble, le matin au bord de la route. C'est moins fatigant que de promener les bêtes et en demandant une pièce pour la photo aux gens qui s'arrêtent, ils se font un bon salaire. » Satisfait, le gaillard s'éloigne rejoindre ses amis en comptant ces pièces : il en a eu pour son argan ! Et nous aussi.

 

 

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