Mondialement connus et particulièrement appréciés aux Etats-Unis, les vins de Madère sont le fruit d’une étonnante alchimie, découverte lors des grandes explorations portugaises : mélangé à de l’alcool de canne, le vin acquiert d’étonnantes saveurs lorsqu’il vieillit lentement, chauffé par le soleil.

En colonisant Madère, à 800 kilomètres de Lisbonne, dès les années 1420, les Portugais allaient faire de cet archipel volcanique l’une des principales bases européennes des grandes découvertes. Outre ses ressources en eau, le climat permettait en effet de développer plusieurs cultures, dont celle de la vigne et de la canne à sucre pour le vin et l’alcool, deux denrées recherchées par les marins faisant relâche avant de longues traversées.

Pour mieux conserver les vins, les navigateurs avaient pris l’habitude d’y ajouter de l’alcool de canne à sucre. Chargés sur les navires, les tonneaux de ce mélange étaient ensuite ballotés pendant de longues semaines. Ils subissaient également des chocs thermiques sous le dur soleil des tropiques. Mais loin d’en altérer le goût, ces rudes conditions apportaient au contraire de subtiles qualités gustatives aux vins de Madère.

Vingt ans à vieillir

Tout naturellement, les habitants de Madère ont ensuite cherché à reproduire ces conditions de vieillissement. Ils ont mis au point des techniques uniques au monde qui donnent toute sa singularité aux différents Madère commercialisés aujourd’hui. Le mélange de vin est d’alcool est ensuite chauffé suivant des techniques originales, l’estufagem. Les vins les plus courants restent dans des cuves dont la température est portée à 40-50 ° pendant trois mois. Les vins de qualité intermédiaire sont stockés à l’intérieur de futs de bois, entre six mois et un an, dans des pièces chauffées jusqu’à 40 °. Mais les Madère d’excellence sont mis à vieillir dans de grands futs de 600 litres, placés sous les avant-toits des chais, où ils chauffent naturellement sous les rayons du soleil. Ils y restent au moins vingt ans, voire beaucoup plus. Outre des arômes étonnants, l’estufagem donne des vins qui peuvent se conserver étonnamment longtemps, jusqu’à un siècle, voire plus.

La qualité des Madère varie également suivant leur cépage, le relief de cette île volcanique est en effet très escarpé. La culture de la vigne a nécessité l’aménagement de terrasses, donc de parcelles parfois très petites et l’adaptation de différents cépages suivant l’altitude. Le Sercial, très prisé, est cultivé sur les terrasses d’altitude, parfois à plus de mille mètres. Il donne un vin sec. Dans les zones les plus chaudes, le Mavaria donne des produits plus sucrés. Le Boal est réputé pour sa douceur et ses arômes résinés. Quant au Verdeiho, le plus courant, il donne un vin demi-sec.

Un succès international

Le Madère a, bien entendu, profité de l’aventure coloniale portugaise, avant de connaître un coup d’arrêt au 17e siècle, lorsque le roi d’Espagne monte également sur le trône de Lisbonne. Mesquins, les Espagnols limitent la production de Madère pour qu’il ne concurrence pas le Xérès…

Mais le Portugal s’émancipe et, en 1703, il signe le traité de Methuen avec la Grande-Bretagne. Ce qui tombe bien car les Britanniques raffolent des vins lusitaniens et particulièrement du Madère. Les exportations se développent considérablement vers l’Europe, mais également les nouvelles colonies américaines, le Madère étant le seul vin qui pouvait y être exporté sans passer par la métropole. Une véritable passion s’empare de l’Amérique. Au 19e siècle naissent des clubs de dégustation. Très codifiés, ils comptent huit membres qui se passent les carafes de Madère obligatoirement dans le sens des aiguilles d’une montre. Certains d’entre eux existent toujours et témoignent de la formidable popularité des vins de cette petite île au milieu de l’Atlantique.

Madère, Camara de Lobos

Madère, Seixal

Erwan Chartier
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