A un moment où le port du masque à bord des avions peut parfois inquiéter sur le confort d'un vol, souvenons-nous de ces petits agacements qui, il y a encore quelques mois, nous irritaient tant. Et qu'on se prendrait -presque- à regretter. Allez, on embarque façon nostalgie.

Quentin et N'amour

Comme une vague au gré de son avancée dans la cabine du 777, le gamin de six ans, coiffe de plumes de chef indien sur la tête, a fait s'épanouir de larges sourires attendris sur le visage des passagers déjà à leurs places. Au départ de San Francisco International, la chose n'avait rien d'incongru, même si l'histoire de la Californie ne fut guère marquée par les Sioux ou Apaches. Avec son papa, dont on saura rapidement le prénom Quentin, sa maman juste interpellée « Chou », et sa petite sœur de deux ans « Bébé », le gamin n'aura pour nom à nos oreilles que « N'amour ».
La famille, un parent à chaque extrémité, les bambins au milieu, investit les quatre places centrales. Nous sommes deux rangs derrière en latéral à trois sièges. Donc jusque là, tout va bien et le vol pour Paris peut décoller serein. Quoique. A peine atteint l'altitude de croisière, une gentille dame aux cheveux gris se retourne vers la famille : « pouvez-vous demander à votre enfant d'arrêter de donner des coups de pied dans mon fauteuil ? » Quentin s'excuse pour son N'amour et promet que l'on n'y prendra plus. Et c'est vrai : N'amour se lève et se met à courir dans le couloir, shootant dans les pieds qui dépassent dans l'allée. « Arrête N'amour, y'a des gens qui dorment » hurle le papa, à réveiller les autres. « Viens regarder des dessins animés sur ta tablette ». L'appel est entendu. N'amour se rassoit, hausse un casque et permet au silence de revenir dans la cabine... jusqu'à un « j'ai soif » tonitruant car casque oblige, le mini Geronimo croit qu'il faut parler fort pour être entendu. Les premiers rendormis rouvrent un œil. Puis l'autre quand N'amour s'énerve : « je veux plus du casque, ça fait mal ». Alors Quentin, pour calmer son chérubin, met le son sur l'appareil. N'amour est content : il entend en direct les bing, shlash, crumsh, prout... et toutes les rangées voisines aussi. Certains semblent se demander si l'extermination passée des petits indiens n'était finalement pas une bonne idée d'actualité. Chou, la maman, n'a pas bronché, ni Bébé, la petite fille, comme étrangers à la saga du père et son fils. « Tu veux faire caca ? » propose d'un coup Quentin à son nain. Oh oui soupirent les rangs proches : ça nous ferait dix minutes de calme. N'amour se relève donc en abandonnant sur place sa tablette à plein volume et soupirant à l'attention de son délicat papa : « on arrive bientôt ? J'en ai marre des gens pas gentils autour ! » D'un coup, nous fûmes fiers d'être des « pas gentils », définitivement fâchés avec les indiens alors que le sol de France s'annonçait enfin.

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