A un moment où le port du masque à bord des avions peut parfois inquiéter sur le confort d'un vol, souvenons-nous de ces petits agacements qui, il y a encore quelques mois, nous irritaient tant. Et qu'on se prendrait -presque- à regretter. Allez, on embarque façon nostalgie.

Rhododendron for ever

Sur les longs vols de plus de six heures, chacun ses habitudes. Nous, c'est l'un au hublot, pour mieux dormir, l'autre côté allée pour se dégourdir les jambes facilement, et les deux sur la même rangée de trois. Du coup, on choisit méticuleusement nos sièges à la réservation. Et quand on a un peu de chance, dans un appareil pas complet, il n'y aura personne entre nous deux. Donc ce jour-là, à l'embarquement, yeux sur les numéros, on cherche les 14A et 14C. Surprise : une jeune blonde roucoule sur le 14A tandis qu'en 14B, un grand gaillard lui susurre à l'oreille des propos certainement en lien avec la théorie du bonheur de Spinoza. Un petit raclement de gorge pour annoncer notre présence et montrer nos billets. « Oui je sais, rigole le gars, moi je suis à ma place mais comme ma copine était plus à l'arrière, je lui ai dit de venir à côté de moi. Vous n'avez qu'à aller à sa place. » Et il se retourne vers sa Dulcinée reprendre le débat philosophique de qui vous savez. Nous en restons bouche bée. « C'est-à-dire que nous avons choisi ces sièges et que nous aimerions les récupérer, désolés. » Là, le type perd son sourire et nous, nous en arborons un épanoui : avec sa trogne qui se veut méchante, le sweat-shirt d'un blanc immaculé qu'il porte rend le personnage ridicule, surtout avec écrit dessus en rose bonbon « Rhododendron for ever ». Ca le désarme : « allez soyez sympas, allez ailleurs. Son siège c'est le 25B. » Raison de plus de ne pas obtempérer à ses rêves. L'hôtesse alertée par la discussion règle aussitôt le conflit : chacun à sa place. Nous ne serons donc pas sympas, la blonde abandonne le hublot mais nous nous trimballerons le gaillard entre nous deux à nous disputer les accoudoirs pendant tout le vol. Rhododendron, comme nous l'avons surnommé dans nos échanges lors de ses multiples levées aux toilettes, occupe bien l'espace. Avec un sommet pour le repas où il démontre que sa maman lui a appris qu'il fallait manger en écartant bien les coudes et en aspirant bruyamment la nourriture. Surtout qu'il fait bien attention à ne pas tâcher son joli sweat blanc.

L'accident, malencontreux, surviendra plus tard lors de l'ultime proposition de boisson de l'hôtesse. Lui, c'est coca, nous, jus de tomate. Pour aider au service, j'empoigne les gobelets pour les acheminer aux voisins du milieu et du hublot. Et personne ne saura jamais pourquoi ni comment, voila les deux contenants qui atterrissent (avant l'heure) pile poil au centre du beau sweat blanc. Cris de colère, excuses à foison. Il est temps qu'on arrive. Prenant un air penaud, je glisse au gaillard « faut voir le positif : la tâche fait comme une fleur rouge pour souligner votre inscription Rhododendron for ever ». Il n'a même pas souri. Moi, je m'en moque, j'aime pas les rhododendrons, surtout sur deux pattes !

 

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