New-York est une ville qui se visite en toute saison. On l'apprécie sous un manteau de neige, dans la douceur de l'été indien où encore lorsque ses longues journées de printemps s'étirent jusqu'aux premières heures de la nuit. En mars dernier, c'est à l'occasion de la Saint-Patrick, la grande fête des Irlandais, que nous avons arpenté les avenues de Manhattan, en particulier la Ve, où a lieu le grand défilé.

 

Le visage du New-Yorkais assis à côté de moi dans l’avion s’éclaire lorsque je lui explique le motif de mon déplacement à New-York. « J’adore la Saint-Patrick, c’est une journée formidable, m’explique cet habitant de Harlem qui a des faux-airs de Barack Obama. Demain mes enfants vont se peindre le visage en vert !» Cette phrase en dit long sur la place de l’identité irlandaise à New-York. Son aéroport principal porte d’ailleurs le nom de John Fitzgerald’s Kennedy, lui-même catholique et d’ascendance irlandaise. Bien d’autres signes montrent à quel point les Irlandais, qui y ont émigré par centaines de milliers au milieu du XIXe, sont présents dans l’imaginaire New-Yorkais. Derrière les citoyens américains aux origines allemandes – ils sont environ 50 millions – les Irlandais forment la plus importante ascendance aux Etats-Unis. Leur influence est particulièrement tangible dans le nord-est du pays, en particulier à Boston, Chicago et New-York. 13% des New-Yorkais se déclarent irlandais ou d’ascendance irlandaise. Même intégrés depuis plusieurs générations, les Irlandais sont désignés comme tels par les New-Yorkais. Comment les reconnaît-on ? « Ils sont joviaux et boivent beaucoup, me répond un chauffeur de taxi de Harlem, dans un éclat de rire ». A Breezy Point, un quartier de Queen’s, 54% des résidents se disent d’origine irlandaise ! Le temps où les Irlandais faisaient partie des couches les plus miséreuses de la population, formant même des célèbres gangs à la fin du xixe et début du xxe est cependant révolu.

 

Quand New-York se met au vert

Au fil des ans, ils ont largement alimenté les rangs des corps de métiers les plus populaires à New-York, notamment les pompiers, la police et les ouvriers du port. Il sont de ce fait aimés et exercent une influence importante sur les médias, la vie politique – les habitants de la ville élisent régulièrement des maires irlandais - mais aussi la finance et le sport. Ils ont évidemment une place proéminente dans les affaires de l’église catholique et plusieurs de leurs lieux de culte font partie des monuments New-Yorkais, notamment la cathédrale Saint-Patrick, de style néo-gothique, terminée à la fin du XIXe siècle, qui s’élève sur la ve avenue. L’ancienne cathédrale, plus vieille de quelques décennies, détruite puis reconstruite, est encore visible dans Soho, sur Mott Street. On aurait tort de sous-estimer l’importance des festivités de la Saint-Patrick à New-York. Même en Irlande, où l’on taquine souvent les « FBI », Foreign born Irish (Irlandais nés à l’étranger), pour leur obsession généalogique, on s’étonne de la ferveur avec laquelle les Américains célèbrent la Saint-Patrick. Les chiffres sont impressionnants : 250 000 participants au défilé sur la ve avenue, deux à trois millions de spectateurs, auxquels il faut ajouter plusieurs millions à la télévision. Tout a d’ailleurs commencé à New-York, en 1762, par un rassemblement de rebelles émigrés et de militaires irlandais dans l’armée coloniale britannique. Cette année-là, le 17 mars, arborant les couleurs nationales interdites par les Anglais en Irlande, ils se sont rassemblés en bas de l’avenue de Broadway et ont entonné des chants patriotiques. Devenu rituel, ce rassemblement a pris la forme d’un défilé au milieu du XIXe siècle. De New-York, il a ensuite essaimé dans le monde en entier. Les premières parades officielles n’ont d’ailleurs eu lieu dans l’Etat libre d’Irlande qu’à partir des années 1930. Simple défilé pendant des décennies, à Dublin, la Saint-Patrick est aujourd’hui un grand festival culturel qui associe du théâtre, du cirque, un feu d’artifice et des concerts à une grande parade très colorée.

 

Père de tous les défilés

A New-York, berceau de la parade, on est resté fidèle aux origines. Aucun char ni véhicule n’est admis. L’organisation est impeccable et ne laisse aucune place à l’improvisation. Succession de pipe-bands ou de fanfares des régiments militaires, des pompiers, de la police, des associations culturelles et caritatives, ou d’autres corporations : la parade new-yorkaise a peu de choses à voir avec le défilé bigarré de Dublin ou le défilé interceltique de Lorient. C’est dire si lors de la dernière édition, en mars 2013, la présence d’un imposant contingent de sonneurs et danseurs bretons sur la ve avenue en 2013 n’est pas passée inaperçue. Les réaction enthousiastes des spectateurs massés derrière les barrières de sécurité en témoignaient. On doit ce joli coup de projecteur mis sur la Bretagne à l’association BZH-New-York, qui regroupe les Bretons installés dans cette ville. Après la Kevrenn Alre en 2007, Saint-Nazaire en 2009 et Plougastel-Daoulas en 2011, c’était au tour des sonneurs quimpérois du Moulin vert, du cercle des Eostiged ar Stangala, mais aussi du talentueux chanteur cornouaillais Armel an Hejer de répondre à l’invitation de BZH-New-York."> « Je fais tout pour entretenir des bonnes relations avec la communauté irlandaise de New-York, explique Charles kergaravat, le président de BZH-New-York, un quadragénaire, dont les parents finistériens se sont installés à New-York au début des années 70. C’est un vrai honneur que nous font les Irlandais car nous sommes la seule culture « invitée » à cette 252e édition.» Une invitation qui doit beaucoup à ses efforts pour mettre en place une délégation qui comprenait, outre les musiciens, des élus et représentants d’entreprises finistériennes, comme Armor Lux, Salaün Holidays, le Ceili pub ou Ijinus, partenaires de l’événement. Beaucoup de Bretons, en particulier du centre-Bretagne, entretiennent en effet un lien particulier avec New-York pour y avoir émigré en masse entre les deux guerres. On estime le nombre de Bretons installés en Amérique du Nord à 110 000 dont 60 000 aux Etats-Unis.

 

Pour les New-Yorkais, la Saint-Patrick est une parade mais c’est aussi une gigantesque fête qui prend fin tard dans la nuit après que des hectolitres de bière noire aient été avalés dans toute la ville. En Irlande, jusqu’aux années 1970, les pubs restaient fermés ce jour là. Mais pour les connaisseurs, la Saint-Patrick à New-York est aussi l’occasion d’entendre de la très bonne musique irlandaise, dans les pubs, ou en assistant au grand concert officiel qui a souvent lieu au Carnegie Hall, actuellement en travaux. Baptisé « Celtic-Appalachia» en 2013, le concert de gala s’est tenu au Symphony Hall, dans l’Upper West Side. Traditionnellement, c’est à Mick Moloney, célèbre musicien et universitaire irlandais vivant aux Etats-Unis que revient la mission de concocter un programme rassemblant quelques-uns des meilleurs musiciens irlandais d’Amérique du Nord et au-delà. Signe d’ouverture, cette année, l’affiche faisait la part belle à un groupe d’interprètes de musique Old Time, des Appalaches.

 

Manhattan village

Quelque soit le prétexte, une visite à New-York laisse rarement indifférent. Que l’on découvre sa célèbre Skyline, sa ligne d’horizon découpée par les gratte-ciels, à travers les hublots de l’avion, du haut de l’Empire State building ou à bord d’une embarcation sur la rivière Hudson, New-York nous offre un panorama urbain à couper le souffle et à nul autre pareil. Lorsqu’on sort pour la première fois du Subway dans les quartiers de grattes-ciels de Midtown ou de la City, on ne peut qu’être subjugué par leur hauteur, bien sûr, mais aussi surpris de devoir reconnaître une réelle beauté à ces panoramas vertigineux. Une forêt d’arêtes, de bouts de ciel massicotés, de lignes de fuites sans cesse contrariées découpe le ciel en une géométrie inconnue en Europe. En bâtissant New-York dans les airs, ses architectes ont donné naissance à une véritable chaîne de gratte-ciels qui culminent dans certains endroits de l’île et s’affaissent totalement en d’autres, laissant place à des vallées urbaines, où les immeubles deviennent des maisons de quelques étages seulement, formant des quartiers coquets et arborés, aux rues souvent pavées, à l’instar de Chelsea, Greenwich village ou Soho.

 

Malgré la flambée de l’immobilier qui a repoussé bien des artistes vers d’autres quartiers, comme Dumbo, à Brooklyn, un délicieux parfum de bohème flotte encore dans le sud de Manhattan. Greenwich village regorge de petits restaurants et bars - mythiques pour certains - comme le café Wha où a débuté Bob Dylan. En poursuivant sa promenade vers l’est, on entre dans Soho, un autre quartier où les artistes avaient installé leurs ateliers dans les nombreux immeubles à structure de fonte, les cast-iron buildings. Dotés de piliers et d’armatures de fonte d’un nouveau type introduit au milieu du XIXe siècle, ils offraient aux manufactures puis aux artistes de grandes surfaces et de larges façades vitrées. Aujourd’hui ces immeubles classés abritent plutôt des lofts et des boutiques de luxe. Soho conserve cependant de nombreux cafés et pubs, comme le café Fanelli, une institution située dans Prince Street.

 

C’est à deux blocs de là que commence Little Italy, l’ancien quartier italien sur lequel empiète le très authentique Chinatown new-yorkais, bondé de restaurants bons marchés, à deux pas de la City et du pont de Brooklyn. On peut aussi pousser jusqu’à Lower East Side, un quartier où s’entassaient au début du XXe siècle les immigrants les plus démunis dans des immeubles sordides auxquels un passionnant musée est consacré, le Tenement museum. Moins sages que Chelsea ou même Soho, le Lower East Side et l’East village, juste au-dessus, ont gardé un faux air du New-York fauché et contestataire des années 1970.

 

Sex and the City

Avec ses larges rues aérées, plus huppé, dominé par la mode, les galeries d’art, la gastronomie et les hôtels design, le Meatpacking district, à deux pas de Chelsea est aujourd’hui devenu un des quartiers les plus « in » de New-York, le paradis des « hipsters » aisés, qu’on croise dans la plus célèbre des séries new-yorkaises, Sex and the city’s. Des potagers bios installés sur les toits alimentent des restaurants branchés et l’on se presse sur l’ancienne voie du métro aérien, la High line, qui a fait l’objet d’une très belle restauration et permet de surplomber tout le quartier des anciens abattoirs. Dans la journée, la City et surtout Midtown, autour de l’Empire state building et du Madison Square Gardens sont le paradis des shoppers, qui ne manquent pas de visiter Macy’s, le plus grand magasin du monde sur Herald Square. La belle 5ème avenue abrite les grandes enseignes du luxe et mène à Central Park, un immense poumon de verdure que les New-Yorkais adorent et qui permet de se reposer du rythme trépidant de Midtown.

 

A découvrir, trois musées exceptionnels : le long de Central Park dans l’Upper East side, le Metropolitan Museum, le Louvres New-Yorkais, le Guggenheim pour l’art contemporain, ainsi que le MoMa, consacré à l’art moderne, dans Midtown. La statue de la liberté et le musée de l’immigration d’Ellis Island. Départ au sud de la City, à Battery Park, en bateau. New-York vu du ciel, du haut de l’Empire state building ou du Rockefeller Centre, mieux organisé pour gérer le temps d’attente. Une comédie musicale à Times Square, sur Broadway. Tickets à tarif réduit vendus sur place le jour même dans le kiosque TKTS de Times Square. Une visite ou une représentation au Lincoln centre, le magnifique complexe qui abrite le Metropolitan Opera, le philharmonique et le ballet de New-York. Une soirée jazz au Birdland, le club dont Charlie Parker tenait l’affiche au début des années 1950 et qu’il avait surnommé “La Mecque mondiale du jazz”, aujourd’hui situé sur la 44e rue, près de la vibrante 8e avenue. Assister à un service avec chants de gospel dans Harlem.

 
- Vue sur Manhattan depuis l’Empire State building
Vue sur Manhattan depuis l’Empire State building
 
- La traversée du Pont de Brooklyn, qui relie Manhattan à ce quartier dynamique, livre de superbes panorama sur la East River et sur la célèbre Skyline de la grosse pomme.
La traversée du Pont de Brooklyn, qui relie Manhattan à ce quartier dynamique, livre de superbes panorama sur la East River et sur la célèbre Skyline de la grosse pomme.
 
- Le musée d’Ellis Island, consacré à l’histoire de l’immigration aux USA. C’est à deux pas de ce musée que l’on trouve la célèbre Statue de la liberté, cadeau de la France aux Etats-Unis.
Le musée d’Ellis Island, consacré à l’histoire de l’immigration aux USA. C’est à deux pas de ce musée que l’on trouve la célèbre Statue de la liberté, cadeau de la France aux Etats-Unis.
 
- Le bagad quimpérois du Moulin vert sur la Ve avenue avec l’Empire State building en arrière-plan.
Le bagad quimpérois du Moulin vert sur la Ve avenue avec l’Empire State building en arrière-plan.
 
- Les musiciens et danseurs bretons invités à la Saint-Patrick à New-York, avant le départ du défilé.
Les musiciens et danseurs bretons invités à la Saint-Patrick à New-York, avant le départ du défilé.
 
- Tribune irlandaise installée pour le défilé de la Saint-Patrick, à la hauteur de Central Park.
Tribune irlandaise installée pour le défilé de la Saint-Patrick, à la hauteur de Central Park.
 
- Concert britto-new-yorkais au Shrine, un célèbre pub de Harlem pendant les fêtes de la Saint-Patrick
Concert britto-new-yorkais au Shrine, un célèbre pub de Harlem pendant les fêtes de la Saint-Patrick
 
- « Le Cow-boy nu », un des amuseurs de rue les plus célèbres au monde, sur Times Square.
« Le Cow-boy nu », un des amuseurs de rue les plus célèbres au monde, sur Times Square.
 
- Central Park, un poumon vert au coeur de Manhattan.
Central Park, un poumon vert au coeur de Manhattan.
 
- Mac Soreley’s, un des pubs les célèbres de la ville. Les bières y sont servies…deux par deux !
Mac Soreley’s, un des pubs les célèbres de la ville. Les bières y sont servies…deux par deux !
 
- Ci-contre, le célèbre Cotton Club, de Harlem, un club de jazz où a été tourné le célèbre film.
Ci-contre, le célèbre Cotton Club, de Harlem, un club de jazz où a été tourné le célèbre film.
 
- Café à la mode dans Williamsburgh, un quartier de Brooklyn.
Café à la mode dans Williamsburgh, un quartier de Brooklyn.
 
- En haut, centre commercial branché installé dans un ancienne usine de Chelsea.
En haut, centre commercial branché installé dans un ancienne usine de Chelsea.
 
- Entre art, bio et bohème, New-York comme de nombreuses villes américaines voit s’ouvrir des échopes et restaurants qui misent sur le slow food et cultivent même leurs propres légumes sur les toits, comme sur le cliché ci-contre.
Entre art, bio et bohème, New-York comme de nombreuses villes américaines voit s’ouvrir des échopes et restaurants qui misent sur le slow food et cultivent même leurs propres légumes sur les toits, comme sur le cliché ci-contre.
 
- Kat’z, le célèbre snack de la Lower East side, où a été tourné une scène mythique du film Quand Harry rencontre Sally.
Kat’z, le célèbre snack de la Lower East side, où a été tourné une scène mythique du film Quand Harry rencontre Sally.
 
- Vue sur Tribecca, un quartier prisé des célébrités new-yorkaises. Robert de Niro y possède un appartement.
Vue sur Tribecca, un quartier prisé des célébrités new-yorkaises. Robert de Niro y possède un appartement.
 
- Macy’s, le plus grand magazin du monde, sur Herald Square.
Macy’s, le plus grand magazin du monde, sur Herald Square.
 
- Club de boxe à Brooklyn où ont été tournées certaines scènes des célèbres « Rocky » avec Sylvester Stallone.
Club de boxe à Brooklyn où ont été tournées certaines scènes des célèbres « Rocky » avec Sylvester Stallone.
 
- Times Square, de nuit.
Times Square, de nuit.
Rédacteur du site Salaun mag and news
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