Guide touristique en Bosnie-Herzégovine, Selvir Galesic, 34 ans, manie un français parfait, élégant et chaleureux. Il l'a appris sur l'île de Groix au large de Lorient (Morbihan) quand, enfant, sa mère a pu venir l'y protéger de la guerre des Balkans. Et il n'est pas prêt de l'oublier.

« Avec mon grand frère et ma mère, nous avons fait partie des premiers réfugiés évacués de Sarajevo assiégée en 1993. Nous ne savions pas où le bus nous amenait. Puis, on nous a dit que ce serait en France. Quelque part. » Zaida, la maman, et ses fils Semir et Selvir, débarquent donc un beau matin sur un bout de terre dont ils n'ont jamais entendu parler pour oublier les tirs de canons, les snipers et les morts aux coins des rues de Sarajevo sous le feu des bombes. Sur l'île de Groix, 2200 habitants, les sœurs de la communauté des Filles du Saint-Esprit se sont portées candidates à l'accueil d'une mère et ses enfants. Les trois Galesic y sont chaleureusement accueillis. « Nous étions gênés, nous musulmans, face à ces religieuses catholiques si prévenantes, se souvient Selvir. Quand nous lui avons dit notre religion, le mère supérieure s'est exclamée : 'et alors, il n'y a qu'un seul dieu, non ?' Dès cet instant, nous n'avons connu grâce à ces religieuses que des jours heureux ! »

Des guides...

Sur l'île, les réfugiés de Bosnie voient tous les bras s'ouvrir. A la télé, les atrocités de la guerre sont omniprésentes et chacun tient à être solidaire. Le mal du pays taraude pourtant la famille. « Pour nous, notre place était à Sarajevo et dès que la paix a été signée, ma mère et moi avons sauté dans un des premiers bus de retour de réfugiés en 1996. » Selvir a alors 12 ans et son grand frère qui est au lycée à Lorient va lui rester en Bretagne. « Dans le bus bondé du retour, les gens allaient tenter durant quelques jours de retrouver leurs proches dont ils étaient sans nouvelles ou revoir leurs maisons. Nous étions les seuls, ma mère et moi, à être montés pour revenir nous réinstaller déjà chez nous. » La vie reprend alors un cours délicat dans les ruines de Sarajevo. « Nous avons eu le bonheur de recevoir la visite de monsieur Dominique Yvon, maire de Groix, s'émeut encore Selvir. Il apportait des cadeaux de tous les habitants. Un grand moment inoubliable. » La petite famille accueillera aussi les bras chargés de cadeaux et lettres de soutien un officier casque bleu, contrôleur de l'ONU pour le maintien de la paix... le chef de la brigade de gendarmerie de Groix.

...un guide

Selvir, qui a appris un français parfait lors de ces trois années auprès des sœurs de Groix, veut un métier manuel. Il opte pour un BTS d'électronicien qu'il peut suivre... à Lorient. De 2006 à 2008, le voici donc de retour en Bretagne avec la ferme intention de retourner apporter son savoir-faire dans son pays. « J'étais forcément le plus âgé au lycée Saint-Joseph, ça faisait drôle parmi ces jeunes ados, mais je sentais le regard amical des gens qui connaissaient mon histoire, et surtout bien sûr des Groisillons. » Diplôme en poche, il reprend la route de la Bosnie-Herzégovine. L'hiver, il y exerce son métier et dès les beaux jours, il se transforme en guide émérite pour les touristes francophones. « S'il vous plaît, vous qui venez de Bretagne, passez le message à tous les habitants de Groix et de Lorient que nous les aimons et ne les remercierons jamais assez. Ma mère, mon frère et moi y avons rencontré tant de compréhension, solidarité et amitié. Nous n'oublierons jamais. Merci de tout cœur. » Message passé.

 

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