Depuis son inauguration en 1999, le centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane est devenu l’un des principaux sites de tourisme historique en Limousin. Il constitue une sorte d’antichambre avant une visite, forcément émouvante, des ruines et des témoignages du terrible massacre de juin 1944. L’un des deux derniers survivants de ce massacre, Marcel Darthout, est décédé le 5 octobre 2016.

La visite d’Oradour-sur-Glane provoque toujours un choc émotionnel que le très moderne centre de la mémoire tente d’atténuer en donnant à voir quelques objets retrouvés dans les ruines – notamment ces montres que les flammes ont figé à l’heure du massacre – et en remettant le drame dans son contexte historique. Il s’insère parfaitement dans le paysage bucolique du Limousin, son architecture, faite de lames d’acier rouillé, évoque le temps qui passe et les déchirures de l’histoire.

Après avoir visité l’exposition permanente, on emprunte un long tunnel qui débouche sur l’entrée de l’ancien village. « Souviens-toi », clame une pancarte. Difficile en effet d’oublier Oradour et, trois générations plus tard, les cicatrices du passé sont loin d’être effacées. En 1953, le procès de Bordeaux les a réveillées, provoquant une grave crise politique en France. Plusieurs Alsaciens, des « malgré-nous » engagés dans l’armée allemande ont alors été condamnés, puis amnistiés par l’Assemblée nationale qui craignait la fronde de leur région. Le Limousin s’indigna et mit du temps à pardonner à l’Etat.

Village fantôme

Si un « nouveau bourg » a été construit après la guerre, à 200 mètres de l’ancien, tout dans ce dernier a été laissé tel quel. Les maisons incendiées, la Peugeot 202 du médecin, les publicités sur les commerces, l’église éventrée… rappellent que la vie de 649 personnes s’est arrêtée le samedi 10 juin 1944. Les fantômes des victimes innocentes n’en semblent que plus palpables dans le silence triste de ces ruines.

Marcel Darthout est décédé le 5 octobre 2016 ; il était l’un des deux derniers survivants d’un massacre au cours duquel il perdit sa mère et sa jeune épouse. Il était également l’un des rares témoins qui ont permis de reconstituer le drame. Au repos depuis avril 1944 dans le sud de la France, la division SS Das Reich reçoit l’ordre de monter vers la Normandie après le débarquement du 6 juin 1944. Elle doit traverser le Limousin où les maquis sont particulièrement actifs. Ses officiers décident d’appliquer la politique de terreur qu’ils ont déjà testée sur le front de l’Est quelques temps plus tôt. Le 9 juin, ils exécutent 99 personnes à Tulle. Le lendemain, ils choisissent un village paisible pour faire un exemple.

En début d’après midi, 200 SS arrivent à Oradour, à 20 kilomètres au nord de Limoges, où la Résistance n’est pas particulièrement active. Les habitants, qui n’ont guère vu d’Allemands pendant la guerre, ne se méfient pas et obéissent à l’ordre de rassemblement. Vers 15 heures, les 180 hommes sont séparés des femmes et des enfants qui sont conduits dans l’Eglise. Quelque temps plus tard, les exécutions des hommes, par groupe de trente, commencent. Les SS achèvent les blessés, puis incendient les maisons. Leur folie meurtrière se déchaîne ensuite dans l’église où un engin explosif décime les femmes et les enfants. Les rescapés sont achevés par balle ou à la grenade. Le massacre ne prendra fin qu’à 18 heures.

Désormais, les ruines et le centre de la mémoire témoignent de l’horreur de la guerre. Il a accueilli près de 300 000 visiteurs depuis une quinzaine d’années, notamment, en 2013, les présidents français et allemand, une visite hautement symbolique pour exorciser les fantômes du passé et continuer à construire la paix en Europe.

La peugeot 202 du médecin du village

Le centre de la mémoire

 

Erwan Chartier
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