Quel site connaît le plus grand boum de fréquentation touristique sur la planète ? La centrale nucléaire de Tchernobyl. Plus 35% de visiteurs entre 2017 et 2018, + 400% depuis 2012, son ouverture à la visite. Pas un hasard.

A 96 km au nord de Kiev, la capitale d'Ukraine, Tchernobyl est devenu au fil des années un spot à excursions. Qui l'aurait prédit quand le 26 avril 1986, l'explosion du réacteur n°4 de la centrale fleuron de l'URSS de l'époque allait provoquer un nuage radioactif (bloqué à la frontière française grâce à nos douaniers !) sur l'ensemble du vieux continent.

Nul ne peut dire encore aujourd'hui combien de victimes, entre quelques milliers et quelques centaines de milliers, la catastrophe a généré. Tout le monde s'accorde juste pour lui donner une puissance égale à 400 fois la bombe d'Hiroshima. La zone d'exclusion pour irradiation de 30 km autour de l'ex centrale existe toujours, et pour des siècles, mais avec des dérogations pour les scientifiques... et les touristes.

Respect, s'il-vous-plaît

Le tourisme de catastrophe jouit depuis longtemps d'un attrait particulier. Ne va-t-on pas visiter Auschwitz ? Le site de Tchernobyl a, lui, profité de deux facteurs. D'abord, le passage du temps et le sentiment que le danger était moins présent. Ensuite et surtout, une série télévisée « Chernobyl » sur la chaîne américaine HBO, relayée en France par OCS. Une série à suspens et réaliste sur cette catastrophe qui a donné à nombre de ses téléspectateurs l'envie de se rendre sur place. Aujourd'hui, les abords de l'ex centrale prennent des airs de Venise. On s'y apostrophe joyeusement pour des selfies glamour devant les lieux emblématiques de la tragédie. Au point de mobiliser le scénariste du feuilleton, Craig Mazin, qui vient de lancer un appel à la retenue suite à son succès : « s'il vous plaît, rappelez-vous qu'une terrible catastrophe s'est produite ici. Respectez la mémoire de ceux qui ont souffert et qui ont sacrifié leurs vies. »Tchernobyl en soi n'est qu'un ancien site industriel où on s'amuse à voir évoluer des silures géants prospérant dans les eaux irradiées des ex canaux de refroidissement des réacteurs. Le plein d'émotion se situe du côté de Pripyat, à 3km de la centrale, ville construite ex nihilo en 1970 pour héberger les ouvriers du nucléaire. On s'y apprêtait à la fête foraine annuelle la veille de l'explosion et la grande roue spécialement installée ne tournera jamais. Les 50 000 habitants ne seront évacués que 3 jours après. Dans les villages et hameaux alentours, les écoles résonnent toujours de la panique qui saisit les gens a-posteriori : sols jonchés de masques à gaz inutilisés, salles de cours éventrées... Partout la nature a repris ses droits : les arbres poussent au milieu des anciennes avenues, les bâtiments ressemblent à des squelettes décharnés, les renards, sangliers et cerfs prolifèrent faute de prédateurs non nucléaires... Les organisateurs d'excursions s'amusent avec leur dosimètre pour démontrer qu'il n'y a plus de radiations... tout en spécifiant de ne rien toucher et de ne pas reprendre un objet tombé à terre. Et en quittant la zone, le passage au détecteur d'irradiation sonnera de toutes façons négatif. Crédible ? Une seule certitude, une visite à Tchernobyl est une expérience instructive, enrichissante, émouvante... et sans soucis à condition de ne pas y rester plus de 10 heures. Et surtout d'éviter de s'y prendre en photo en fashion victim avec un air idiot.

Un mur porte les noms de chacun des « liquidateurs », civils et militaires, qui sont intervenus aussitôt pour colmater les brèches et l'ont payer de leur vie. Au loin, la silhouette du dôme recouvrant le réacteur n°4.


Arrêt photo obligatoire devant la pancarte d'entrée dans Pripyat. Au pied, toujours des fleurs. En arrière-plan, les pancartes jaunes alertant de la radiation.


Le plus grand hôtel de Pripyat n'est plus qu'une carcasse. Les arbres poussent au milieu des anciennes rues du quartier.


Symbole de la catastrophe, la grande roue de la fête foraine qui devait débuter le lendemain n'a pas bougé malgré la rouille.

Abandonnés en urgence, des centaines de masques à gaz jonchent les sols des écoles... 

… avec parfois, de macabres mises en scène.

Avant de quitter le périmètre d'exclusion, passage obligatoire par un détecteur de contamination... qui annonce toujours que tout va bien.


 

 

Partir en Ukraine avec Salaün Holidays.

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