Ciudad Hidalgo et Tecún Umán, deux villes face à face, la première est au Mexique, la seconde au Guatemala. Elles ne sont séparées que par les eaux boueuses de la rivière Suchiate et reliées par le pont international qui l’enjambe.

 

 Quelques voitures et de rares piétons traversent lentement la travée en béton du pont pour passer la frontière de ces deux pays. Un préposé des services mexicains d’immigration examine scrupuleusement les passeports. Mais les soldats postés à ce point de passage sont oisifs. L’un d’eux fume, assis sur le rebord du pont, son fusil en bandoulière, en regardant le fleuve au-dessous de lui. Là, à l’ombre du pont et sur des kilomètres en amont et en aval, un flot ininterrompu de personnes, certaines sur des radeaux de fortune, d’autres à pied, se déplacent d’un pays à l’autre sans aucune crainte des fonctionnaires de l’immigration.

Pour la population locale, traverser la rivière fait partie de la vie quotidienne. En effet, chaque jour, des centaines de personnes font passer illégalement, au nez et à la barbe des autorités, qui ferment les yeux sur ce trafic, des marchandises de tout type, produits alimentaire ou hygiéniques, mais aussi de l’essence de contrebande. Sur des embarcations faites de chambres à air et de planches de bois, ces produits transitent principalement du Mexique au Guatemala. Dans l’autre sens, ce sont les candidats à l’émigration qui utilisent ces embarcations moyennant la somme de 15 quetzals guatémaltèques, soit environ, 1.70 euros. Là, pour eux, commence un long voyage, de plus de 3000 kilomètres de distance, jusqu’à l’autre frontière, celle avec les Etats-Unis, qui elle sera plus difficile à traverser. On estime qu’ils sont au moins 350 000 migrants à passer par là tous les ans. Une part importante de ces migrants vient d'Amérique Centrale. Beaucoup choisissent d’entrer au Mexique par cette voie, moins risquée que d’autres. À condition d’avoir sur soi quelques pesos pour graisser la patte de la police migratoire.

Le plus étonnant, c'est qu’ici le trafic est toléré et même réglementé par les deux municipalités. Les horaires sont définis, les trajets sont partagés.

Aujourd’hui, la chaleur est presque intenable. Juan Carlos, qui a bien voulu qu’on l’accompagne, arrose son embarcation pour éviter que les chambres à air qui lui permettent de flotter n’explosent. Nous sommes au Guatemala, et avec nous, à bord de ce radeau, il y a quatre personnes qui vont franchir la rivière. Juan Carlos nous raconte un peu sa vie, ici sur le fleuve.

Il témoigne : " Je suis guatémaltèque. Chaque jour, je fais traverser des gens ou des marchandises que j’achète moins cher au Mexique et que j’apporte au Guatemala. Je fais ça jusque 19h chaque jour. La nuit, c’est dangereux. Avant, il y avait de nombreux problèmes, aujourd’hui il n’y en a plus beaucoup dans la journée. La majorité des gens qui habitent du côté Guatemala de la rivière travaille au Mexique. Ils traversent car ils manquent de travail et ils sont mieux payés de l’autre côté. Je loue mon embarcation, c’est le même propriétaire pour toutes. Les deux municipalités savent ce qui se passe, c’est toléré la journée. On a même un règlement pour les horaires – de 4 à 19h – et les tours sont définis. Certains vont du Mexique au Guatemala, d’autres font l’inverse. Mon grand-père a été passeur avant moi. Ils avaient des sacs gonflables et les gens s’y accrochaient. Les migrants vont surtout au Mexique pour récolter mangues, bananes, café ou maïs, ce que ne veulent pas faire les mexicains. Beaucoup veulent aller aux Etats-Unis, mais c’est de plus en plus difficile. Cela fait 40 ans que les gens passent ici ".

Lorsque le fleuve est à sec, il est facile de passer à pied. Lors des crues, les courants rendent la traversée dangereuse.

Ces embarcations peuvent transporter une dizaine de personnes.

On aperçoit au loin le pont où se trouve la frontière officielle.

Toutes sortes de marchandises transitent par le fleuve.

Les autorités ferment les yeux sur ce trafic illégal.

Le pont international " Rodolfo Robles ", où se trouve la frontière officielle entre le Mexique et le Guatemala.

 

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