Il y a juste 60 ans, en 1958, les Oscars d'Hollywood décernaient leurs sept plus prestigieuses récompenses à un film retraçant l'histoire de la construction et de l'explosion d'un pont, The Bridge on The River Kwai.
Le site est aujourd'hui une des destinations les plus fréquentées de Thaïlande par les touristes du monde entier.

« Le Pont de la rivière Kwaï » est à l'origine un livre paru six ans plus tôt sous la plume du Français Pierre Boulle (aussi auteur de « la planète des singes », autre bestseller planétaire). Il y raconte la tragédie des prisonniers occidentaux aux mains des Japonais en 1942-43 pour la construction d'un chemin de fer de 415 km de long devant amener des troupes jusqu'en Birmanie afin d'harceler l'armée britannique. Un chantier sous les sévices qui fera 90 OOO morts parmi les travailleurs forcés dont 16 000 rien que pour l'édification d'un pont sur la rivière Kwaï Yai à Kanchanaburi, à 125 km à l'ouest de Bangkok. Le film signé David Lean, avec dans les rôles principaux Alec Guinness, William Holden et Sessue Hayakawa, recevra les Oscars de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleure photographie, meilleur montage, meilleur scénario adapté et bien sûr meilleure musique avec une chanson sifflée sur fond de fanfare enjouée, « Hello le soleil brille-brille-brille... » Aussi dramatique soit-il, le film ne retrace que très peu les souffrances encore plus atroces des hommes sur le chantier de « la voie ferrée de la mort ». A Kanchanaburi, le Death Railway Museum repositionne cette tragédie dans l'histoire, juste en face de l'immense cimetière de 7000 sépultures de prisonniers de guerre britanniques, néerlandais, australiens et américains tombés sous les coups et maladies lors de la construction du pont.

Faux pont et vrai train

Si le film fut en réalité tourné au Sri Lanka, c'est bien à Kanchanaburi que s'est déroulé cet épisode sanglant de la Seconde guerre mondiale. Mais le pont de métal que les curieux en rangs serrés viennent visiter aujourd'hui n'a rien à voir avec celui en bambou, héros du long métrage.
Même si l'histoire est, presque, fidèle. Et il n'explosera qu'en 1945 sous les bombes des avions alliés avant d'être reconstruit ensuite en dommage de guerre par le Japon vaincu. Les images fortes du film ont imprégné la mémoire de nombre de touristes, parfois un rien surpris par le foisonnement commercial de babioles souvenirs sur la place devant le pont. Sous l'édifice, des restaurants flottants se sont installés pour une belle vue, des embarcations proposent de passer entre les arches, ou de vous déposer à un petit parc d'attraction sur une des rives. Le vrai intérêt pour la plupart des touristes est de franchir à pied le fameux pont alors qu'un train y passe toujours. L'étroitesse de la voie oblige à se réfugier en toute urgence dans des abris en balcons spécialement aménagés dans le garde-fou. Un zeste d'adrénaline.
Et pour s'en procurer encore un peu plus, rien ne vaut de monter à une gare en amont à bord du train. Assis sur des banquettes de bois, on apprécie d'abord la beauté du paysage des berges de la jolie rivière Kwaï avec ses petites maisons sur barges, ses radeaux et sa nature exubérante. Puis d'un seul coup, un frisson traverse les passagers penchés aux fenêtres. La voici donc la voie de la mort avec ses rails quasiment en suspend au dessus du vide, posés pour contourner la colline au haut de piliers de bois comme le ferait une cigogne sur un mât. La locomotive a ralenti, les wagons craquent, des intrépides sortent s'installer sur les marchepieds extérieurs pour ne rien manquer de ce disneyland en vrai. Et les respirations se font silencieuses. « Même pas peur ! » glissera fanfaronne une passagère chinoise au stop près du fameux pont. Les regards se croisent et il est temps de descendre du train se remettre de l'émotion face à la belle langueur de la petite rivière Kwaï dont la renommée n'aurait jamais dépassé les limites du canton sans la folie des hommes.
 


Le pont de la rivière Kwai

Une voie unique étroite

Les piétons du pont se réfugient sur des balcons au dessus du vide

A bord du train, en approche de la voie de la mort


L'une des courbes de la voie de la mort

Des fleurs sont déposées tous les jours sur les sépultures des 7000 soldats prisonniers morts dans la construction du pont à Kanchanaburi

La rivière Kwaï si paisible au lever du soleil

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1 commentaire(s)

DUPRÉ Daniel le 8 décembre 2018

Très beau reportage qui reflète la dure vérité sur ce camp de travail.


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