Transnistrie, un dimanche en Sovietland…


















Si ça continue, je vais devenir citoyen d’honneur. Citoyen d’honneur d’un pays qui n’existe pas, ce serait la classe, non ? En 2011, lors du grand raid Brest-Samarcande, nous avions traversé cette ancienne région moldave. Collée au fleuve Dnier comme un polype, elle bloque sur plus de 200 kilomètres le passage entre la Moldavie et l’Ukraine. A moins d’effectuer un interminable détour par le nord, le plus court est de passer par la Transnistrie, au niveau de sa capitale, Tiraspol. Le plus court, mais pas le plus simple. Car il faut se plier à des formalités et des contrôles par des policiers et des douaniers dont les mœurs évoquent plus celles des bandits de grand chemin que de fonctionnaires respectueux des lois. Mais quelles lois, au fait ? Car la Transnistrie est un pays qui n’est reconnu par aucun autres pays membres de l’ONU. Les douaniers ne peuvent pas tamponner votre passeport et vous ne pourrez poster aucune carte postale en Transnistrie. Les pots de vin sont, en revanche, largement pratiqués, avec un aplomb qui donnerait des complexes au plus vicieux des policiers ukrainiens. Une fois passés ces contrôles – encore plus pénibles à la sortie qu’à l’entrée – on pénètre dans une sorte de « Sovietland », un conservatoire du communisme à la soviétique. Lénine trône encore sereinement au cœur de la grande avenue déserte de Tiraspol, en face de l’austère immeuble du Parti ; un char domine le mémorial et la flamme éternelle qui célèbrent le courage des habitants de la ville lors de la Seconde guerre mondial. Un autre monument évoque une histoire plus récente, une histoire qui explique ce qu’est la Transnistrie aujourd’hui. Jusqu’en 1991, elle était une région de la République de Modalvie, alors intégrée à l’URSS. A la dissolution de cette dernière, la Moldavie a décidé de prendre son indépendance et de se rapprocher de sa voisine et cousine, la Roumanie. C’en était trop pour les Transnistriens majoritairement d’origine russe et russophone. Tiraspol hébergeait à l’époque la prestigieuse XIVe armée russe. La petite enclave proclama son indépendance, ferma des frontières fictives, s’inventa un drapeau, frappa monnaie, entonna un hymne national et se mit sous la protection de la garnison russe. Celle-ci se montra attentionnée. Lorsqu’en 1992 la Moldavie se mit en tête de reprendre cette riche province perdue, elle se heurta à une troupe commandée par le général Lebled. La guerre fut brève mais défaite sanglante. Depuis, la Transnistrie vit dans un isolement paisible mais un peu triste. On semble s’y ennuyer en attendant le retour dans le giron de la Grande Russie. Longtemps improbable, ce retour semble aujourd’hui possible. Les évènements de Crimée ont montré que la Russie de Poutine n’oubliait pas ses fils et filles coincés dans des enclaves au cœur de pays qui, non contents d’avoir quitté la Fédération, faisaient les yeux doux à l’Europe. La Crimée a retrouvé sa mère patrie. Alors, pourquoi pas demain la Transnistrie ? Le sovietland peut se préparer à vivre des jours agités...
