On connait l'engouement en Andalousie pour les célébrations de la Semaine sainte. Plus par tradition festive qu'expression de la foi. On connait moins la passion des Andalous pour les cloches de leurs églises. A Utrera, 53000 habitants au sud de Séville, les défenseurs de l'art campanile invitent même les touristes à les rejoindre une fois par mois.

Rendez-vous à l'église Saint-Jacques-le-Majeur, merveille à trois nefs égales du XVème siècle, surmontée de son clocher ajouré. Le temple compte neuf cloches mais les cinq plus imposantes sont réunies juste en dessous de la pointe. Après signature d'une décharge de responsabilité, on peut se lancer dans l'ascension du long escalier en colimaçon aux marches bien usées au centre par des millions de pieds de prédécesseurs.

Une petite halte dans la montée pour un coup d'œil vertigineux sur l'ensemble des nefs depuis le haut plafond. Puis voici le toit terrasse de l'église d'où un beau panorama dévoile toute la ville. Voilà le terrain de jeux des « campaneros de Utrera », les sonneurs qui perpétuent une tradition locale de cinq siècles de communication intégrale par les cloches unique au monde. A l'intérieur du clocher, trône au centre « la garda », 2 300 kilos, fondue en 1803 pour honorer Santiago, patron de l'église ; côté rue, « san Pablo » et « san Antonio de Padua » ; côté toit, « san José » et « la campana de plata » dédiée à Notre-Dame-du-bon-secours. C'est elle, 858 kilos, fondue en 1802, qui sera la vedette de la démonstration à laquelle on assiste de l'intérieur avec les sonneurs pour l'élan, puis depuis la terrasse pour les voir apparaître en équilibre impensable. Hormis « la garda » fixe, les autres cloches, accrochées à de lourds madriers, tintent en tournant sur elles-mêmes, mues par la seule force corporelle des sonneurs convertis en poulies humaines, comptables du rythme et de la puissance des battements par « voleo » et « balanza »  pour délivrer le message d'un mariage, d'un décès, d'un incendie, d'un office... On ouvre grand les yeux !

Pour les plus grandes cérémonies, ils peuvent être jusqu'à quatre à défier en même temps les quatre cloches de Saint-Jacques-le-Majeur et celles de l'église Sainte-Marie-de-la-Mesa, autre splendeur d'Utrera.

Les « campaneros de Utrera » invitent à assister à ce spectacle unique et stupéfiant les 3ème samedi de chaque mois. Mais aussi à la demande à tout moment pour des groupes. Il est nécessaire de s'inscrire à l'avance auprès de l'Office de tourisme de la ville (tel.954873387 / oficinaturismo@utrera.org). Emotions garanties !

Dans le clocher, « la garda » au centre, « san José » à droite, et « la campana de plata » à gauche.

Comme il n'y a pas d'événement spécial à annoncer à ce moment-là, un des « campaneros » entre dans la cloche pour bloquer son bourdon et la rendre muette.

 

Il faut au moins trois hommes pour commencer à ébranler les 858 kilos de fonte de la cloche, puis la mettre à tourner autour de son axe en enroulant une corde sur chaque côté du madrier à chaque volte.

Une fois les cordes bien enroulées, la cloche est maintenue à l'envers, le temps correspondant au message à diffuser... et d'un coup, elle part en sens inverse à une vitesse folle.

Un campanero tenant bien en mains la corde monte et descend au rythme des voltes de la cloche...

 ...jusqu'à arriver à passer son corps dans l'espace étroit entre le haut de la cloche et le mur du clocher.

Aussitôt à l'extérieur, de son dos au mur, il bloque la cloche, devenu muette, le temps de silence correspondant là aussi aux critères du message sonore

Et d'un coup, saut en arrière avec la corde pour rentrer dans le clocher et relâcher la cloche qui part alors de plus belle à pleine volée.

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