Boisson emblématique des pays celtiques, les whiskies sont le fruit de longue histoire et leur origine constitue toujours une pomme de discorde entre les deux principaux producteurs, l’Irlande et l’Ecosse

C’est un « e » qui fait toute la différence entre l’Irlande et l’Ecosse, peut-être plus que le canal Saint-Georges ou les différences religieuses... Dans les Highlands, on le nomme whisky, alors qu’il prend un « e » et devient whiskey dans l’île Verte, mais il est autant apprécié, voire révéré dans les deux pays. Les deux peuples se disputent sa paternité. Les Irlandais affirment que c’est saint Patrick qui a ramené le premier alambic au Ve siècle, ce qui l’aurait aidé à évangéliser le pays… Un siècle plus, tard, les Irlandais l’aurait apporté en envahissant l’ouest de l’Ecosse à laquelle ils vont donner leur nom : Scotland. Les Ecossais répliquent en soulignant que l’alambic a, en fait, été inventé par les Arabes et que ce sont eux qui l’ont ramené d’Orient, où il servait à créer des parfums.

Uisghe beatha, l’eau de vie

Force est de constater que la première mention écrite est écossaise et remonte à 1494, contre 1556 pour l’Irlande. De toute façon, whisky et whiskey viennent du gaélique, toujours parlé dans les deux pays : Uisghe beatha qui signifie « eau de vie ». Le breuvage est en effet réputé pour vivifier l’esprit et on lui prête de nombreuses vertus médicinales. Il était encore vendu en pharmacie jusqu’au temps de la reine Victoria.

Les hautes terres d’Ecosse, les Highlands, ont longtemps été la terre du whisky. La boisson était taxée au sud de l’Ecosse et en Angleterre, mais ces lois n’étaient guère appliquées chez dans les clans du nord, fort sourcilleux de leur indépendance. Il était distillé dans de nombreux alambics dans les montagnes, jusqu’à la funeste bataille de Culloden qui sonna le glas de l’Ecosse gaélique. Interdit, comme en Irlande, il prit la clandestinité pour devenir le poteen, un alcool souvent frelaté et « dur sur l’homme ».

Les choses s’apaisèrent au XIXe siècle, lorsque, romantisme aidant, les Anglais redécouvrirent les charmes des Highlands. En 1824, une première distillerie est créée pour produire le Glenlivet. Puis, en 1826, est mis au point le Patent Hill, une technique de distillation en continu, tandis que les Irlandais produisent de l’alcool de grain pour augmenter la production. Mélangé avec du pure malt – car, pour faire simple, le whisky est issu de la fermentation de bière –, il donne le blent whisky.

Alcool mondialisé

Au XIXe siècle, la demande explose avec l’essor de l’empire Britannique dont les troupes de choc sont souvent des Ecossais qui le consomment des Indes au Canada. La prohibition aux Etats-Unis, dans l’entre-deux-guerres, augmente encore la demande et fait le bonheur des distilleries irlandaises et écossaises. En 1945, le whisky est devenu l’alcool le plus consommé au monde. Des distilleries ont désormais éclos aux quatre coins du monde, les Japonais se lançant dès le début du XXe siècle. Les Ecossais sont aussi venus coloniser le nouveau monde, où a été inventé le bourbon, un whisky à base maïs.

Reste que les meilleurs whiskies se trouvent toujours en Ecosse et en Irlande et offrent une incroyable gamme de saveurs. De nombreuses distilleries proposent d’ailleurs des visites et… une petite dégustation. L’occasion de découvrir une dernière différence entre whisky et whiskey : le premier est distillé deux fois, contre trois fois chez les Irlandais. Pour le reste, c’est une question de goût !

Erwan Chartier
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